chargement EPOQUE chargement...

Martin Saumet : « Se confronter aux climats du futur »

AGENDA

contact

Pour le relais de vos événements : contact@epoque-mag.fr.
Rédaction en chef :
Cerise Rochet
cerise@epoque-mag.fr
Société éditrice 4Plumes : contact@4plumes.fr

04 77 53 49 30

Martin Saumet : « Se confronter aux climats du futur »

Martin Saumet, médiateur scientifique, revient pour nous sur ses expériences hors normes d’explorateur-climatonaute. Propos recueillis par Niko Rodamel

Martin Saumet en exploration
Martin Saumet, ©Martin Saumet, Human Adaptation Institute

Martin Saumet, peux-tu résumer ton parcours ?

J’ai grandi dans le quartier de la Jomayère à Saint-Etienne. J’ai fait mon collège et mon lycée à Honoré d’Urfé, puis j’ai tenté médecine avant de rejoindre l’Université Jean-Monnet où j’ai obtenu une licence en biologie des organismes, avec une spécialité en éthologie. Je suis ensuite parti à Strasbourg dans l’idée de devenir journaliste scientifique.

Après mon Master 2 de journalisme-communication-médiation scientifique, j’ai travaillé pendant quelques années à Paris, comme pigiste pour différentes revues et créateur de contenus pour plusieurs médias. J’ai au final touché à pas mal de choses différentes qui ont toutes un rapport avec la vulgarisation scientifique.

Tu as ensuite participé à plusieurs expéditions…

J’ai vu passer un communiqué de presse de Christian Clot, fondateur de Human Adaptation Institute, qui annonçait être à la recherche de volontaires pour le projet Adaptation 4 x 30, une expédition scientifique dans quatre milieux extrêmes. Je n’étais pas un grand sportif à l’époque, me porter candidat à l’aventure m’a encouragé à remplacer la cigarette par la course à pied et je me suis pris au jeu dès les premières étapes de sélection, jusqu’à réussir le casting !

Le projet prévu en 2020 ayant dû être ajourné à cause du Covid, une expérience inédite, nommée Deep Time, a été réalisée en Ariège au printemps 2021. Au sein d’une équipe de sept femmes et huit hommes, j’ai passé quarante jours sous terre, dans la grotte de Lombrives, sans accès à aucune information temporelle, ni soleil, ni montre.

Notre camp de vie se tenait dans une salle de 30m de long et 15m de large, avec un ballon de lumière de plus d’un mètre de diamètre, comme une lune à 4 mètres au-dessus de nos têtes. Le but était de découvrir les liens entre notre cerveau et le temps, dans univers nocturne, avec une température constante de 10° C et 100% d’humidité. Afin d’évaluer la capacité de synchronisation fonctionnelle au sein d’un groupe, nous avons analysé et comparé nos rythmes biologiques respectifs.

Au-delà de la gestion de la vie commune au quotidien, nous avons tous pris part à différents protocoles scientifiques et chacun avait une mission spéciale. Pour ma part j’étais chargé de photographier et filmer notre vie sous terre pendant la durée du séjour. Malgré les conditions, j’ai ressenti comme un luxe le fait de ne pas avoir à subir le diktat du temps. C’est tellement rarissime de pouvoir vivre à son rythme !

Le projet Adaptation 4 x 30 a-t-il pu aboutir par la suite ?

Oui, sous le nom de Deep Climate. Après plusieurs stages de formation, par exemple au ski nordique, au kayak ou à la survie, j’ai enchaîné trois expéditions – et non plus quatre comme prévu dans le projet initial – avec une nouvelle équipe paritaire de 20 personnes, toujours sous la houlette de Christian Clot. Il s’agissait d’étudier les capacités d’adaptation physiologiques et psychologiques d’un groupe humain face à des conditions qui le dépassent, en totale autonomie.

Nous nous sommes confrontés aux climats du futur en allant là où ils existent déjà : le milieu chaud et humide de la forêt amazonienne en Guyane française, le milieu froid et sec de la Laponie aux confins de la Finlande et de la Norvège, le milieu chaud et sec du désert Rub al-Khali en Arabie Saoudite. De décembre 2022 à juin 2023, avec une pause d’un mois à chaque fois, j’ai eu la chance de photographier ces trois traversées de quarante jours chacune. Les protocoles de recherche ont été conduits par une quarantaine de chercheuses et chercheurs. J’ai hâte de prendre connaissance des conclusions et des enseignements qui s’apprêtent à sortir.

©Martin Saumet – Human Adaptation Institute

Explorateur ou expéditionniste, est-ce vraiment un métier ?

Pour faire ça sur le long cours, il faut entretenir une très bonne condition physique et un solide mental car c’est usant à tous les niveaux. Il faut nécessairement avoir des périodes de repos pour retrouver des repères et reprendre des forces, mais pour autant, revenir à la vie normale est toujours assez compliqué. Ceux qui dirigent des expéditions doivent être d’excellents communicants pour trouver des financements et des partenariats.

Aujourd’hui, plus que l’expédition, le produit c’est l’explorateur, il lui faut donc se mettre en scène et raconter une histoire. Rares sont les gens comme Christian Clot, qui parviennent à vivre complètement de cette activité. Tout en dirigeant des missions d’exploration et de recherche dans le monde entier, il donne des conférences, écrit des livres et produit des documentaires. En revanche il faut savoir que, même si bien sûr tout est pris en charge lors des expéditions, les volontaires ne sont pas rémunérés.

©Martin Saumet – Human Adaptation Institute

Qu’est-ce que ces expériences t’ont apporté personnellement ?

J’ai d’abord conscience d’avoir été un immense privilégié car vivre des aventures humaines comme celles-ci est une chance inouïe. J’ai appris combien la coopération est nécessaire pour dépasser les situations difficiles, car c’est dans la difficulté que l’humanité des gens apparaît sans fard. A sortir de son confort, on apprend aussi beaucoup de choses sur soi-même, sur ses limites. J’ai d’ailleurs été marqué par le désert, c’est le milieu qui s’est révélé le plus éprouvant pour moi et, paradoxalement, c’est là que j’ai été absorbé, comme envoûté par la beauté inspirante des dunes. J’ai définitivement admis que je ne suis pas fait pour rester assis derrière un bureau !

Martin Saumet, quel est ton quotidien aujourd’hui ?

Je partage mon temps entre la médiation scientifique au centre Explora*, mon activité de sapeur pompier volontaire au centre Séverine. Après une grosse période de spéléologie, je randonne beaucoup, avec l’envie de devenir accompagnateur de moyenne montagne. A la maison je fais l’expérience de la paternité, c’est une toute autre aventure ! Je mets pour l’instant de côté les possibilités de vivre à nouveau des expériences en milieux extrêmes. Partir en expédition est un plaisir égoïste, mais tu mets à chaque fois ta vie en danger. C’est difficilement compatible avec une vie de famille, ou même une vie sociale classique. Les grands explorateurs modernes sont des gens d’une richesse incroyable, mais socialement ce sont des ours !

©Martin Saumet – Human Adaptation Institute

Comment rester optimiste face à l’inaction climatique des gens qui nous gouvernent ?

Les travaux du GIEC sont plus qu’alarmants et la plupart des gouvernements font l’autruche. Bien sûr, on peut difficilement mettre en doute des prédictions établies d’après des modèles qui tous convergent vers les mêmes conclusions. Les effets du réchauffement sont bien visibles, partout sur la planète, avec une inertie qui s’annonce difficile à contenir. Lors d’un incendie, lorsqu’un pompier mesure le taux de monoxyde de carbone et annonce qu’il n’est pas possible d’entrer dans une pièce, personne ne le contredit !

Le défi est énorme car l’adaptabilité ne sera pas à la portée de tous. Dans le désert il faisait certes 48°C, mais il y avait du vent. Que sera Paris dans quelques années, ne serait-ce qu’à 43°C, avec une humidité importante et sans vent, pour un bébé ou une personne âgée ? J’ai peur qu’il y ait beaucoup de casse. La chute de la biodiversité devrait nous alerter. Il devient malheureusement urgent de réfléchir à ce que pourraient être de nouvelles modalités de vie sur une Terre bouleversée par le changement climatique, voire sur d’autres planètes.

————————-

Le film Deep climate, 120 jours dans les extrêmes (de Mélusine Mallender et Christian Clot), débute actuellement son parcours dans les festivals. Martin fait partie de ceux qui ont sacrifié leurs mains aux moustiques, au froid glaçant ou au soleil ardent, pour ramener ces images.

* Explora, établissement de culture scientifique de la Ville de Saint-Étienne, géré par La Rotonde / Ecole des Mines

 


Ajouter l'application EPOQUE

Installer
×

Envie de nous laisser un message

Activer les notifications OK Non merci