Implanté dans son fief historique de Trelins depuis 2005, l’incontournable Foreztival tient bon la vague et le vent dans un secteur fortement marqué par la crise et l’inflation. Portrait d’un festoche exemplaire qui est entré aujourd’hui dans le top 30 hexagonal grâce à son équipe de choc, motivée comme jamais à l’approche d’une 18ème édition très attendue.
Par Niko Rodamel

Dans leurs locaux situés boulevard Carnot à Montbrison, nous rencontrons une partie de l’équipe du festival. A deux mois et demi de la manifestation, ce sont 11 salariés et quelque 70 organisateurs bénévoles qui s’affairent tous azimuts. Aux côtés de Laure et Mike, respectivement directrice et président, on retrouve Damien et Loïc (programmateurs), Elie (responsable général logistique et sécurité), Marion (communication), mais aussi Jimmy, Didier, Clément, Cindy, Gio… Après une photo de groupe, Laure et Mike retracent pour nous l’histoire du Foreztival jusqu’à aujourd’hui…

« Notre festival est avant tout une affaire de territoire. » Tout a d’ailleurs commencé avec une bande de jeunes Foréziens passionnés de musique, réunis au sein d’une association intercommunale d’éducation populaire (l’APIJ) pour mettre sur pied différentes animations culturelles. L’idée d’organiser un événement culturel de grande ampleur germe très vite au sein du groupe. « Dès le départ, nous avons eu la chance d’avoir une mairie à notre écoute et le soutien de plusieurs associations locales. »

Le Foreztival voit ainsi le jour en 2005 et rassemble 3 500 festivaliers dès sa première édition. Les années défilent dare-dare jusqu’en 2012, année charnière car largement déficitaire, avec pourtant un budget de 220000 €. « Nous avons eu à peine 6000 spectateurs au total, moins de 2000 le vendredi soir devant Orelsan. » Après un sursaut en 2013 avec 12500 festivaliers, la nouvelle association (FZL) est créée en 2014, année où IAM et Dub Inc font venir 20000 personnes. Suite à une édition 2016 en demi-teinte, un break s’impose pour l’équipe. Le bénévolat généralisé ayant atteint sa limite, repenser le modèle structurel et économique devient une priorité, tandis qu’apparaissent de nouvelles problématiques liées à la sécurité.

En 2018, le festival revient en force après une année de pause, avec notamment Matmatah et Roméo Elvis. Le budget global frôle alors le million d’euros. Les éditions 2018 et 2019 rassembleront chacune plus de 30000 entrées, un nouveau cap est franchi et la professionnalisation de la structure se poursuit. Mais en 2020, la progression du Foreztival affronte inévitablement la crise sanitaire de la COVID-19. Après une année blanche, l’équipe propose en 2021 du Tour du Forez, un pari fou de 87 propositions culturelles dans 87 communes, malheureusement écourté par le retour du pass sanitaire. En 2022, la fréquentation reprend de plus belle avec 35000 billets vendus et, pour sa 17ème édition l’an passé, le festival atteint le seuil des 40 000 spectateurs en trois jours. « Nous avons reçu 16 000 personnes lors de la soirée sold-out du samedi pour Shaka Ponk et Hamza, tout ça dans un petit village de 650 habitants ! »

Le Foreztival : un projet résolument humain

Avec cette année un budget global de 2,3 millions d’euros, l’équipe peut s’enorgueillir de porter un festival quasi indépendant, puisque auto-financé à 98%. La billetterie et les consommations constituent les principales entrées d’argent, que complètent les subventions de Loire Forez (20000 €) et du Département (18000 €), ainsi qu’un mécénat naissant. « Nous ne demandons plus rien à la Région, vous ne verrez donc ni bâches AURA sur nos scènes, ni édito de Laurent Wauquiez sur notre programme ! »

Le choix de l’indépendance passe sans doute par ce genre de renoncement… Comme ses confrères, le festival fait face à la forte augmentation des coûts de production : flambée des cachets d’artistes, hausse du prix des fournitures ou encore des assurances (près de 40000 € cette année). En près de vingt ans d’existence, le Foreztival aura connu des hauts et des bas. Il n’aura pour autant jamais cessé de monter en puissance, écrivant année après année les épisodes d’une aventure assez incroyable.

Les trois jours de la manifestation mobilisent plus de 1000 personnes : salariés, prestataires, partenaires et plus de 700 bénévoles. « L’engagement humain est à la fois l’âme et la force du Foreztival. » La moyenne d’âge du foreztivalier est de 31 ans et le public vient à 80% de la Région AURA. Chaque année, le caractère festif des manifestations estivales prend tout son sens à Trelins : on vient tout autant écouter de la musique que faire la fête. Cet été, les bières viendront de Tarare (Ninkasi), mais aussi de Sail-sous-Couzan (La Canaille), de Montbrison (BIM) et de Saint-Etienne (La Brasserie Stéphanoise).

Mais un festival où tout le monde se sent bien implique des moyens conséquents pour garantir la sécurité de chacun. « Qu’ils soient professionnels de la santé, experts en prévention des risques, agents de sécurité ou bénévoles, plus de 160 personnes veillent à garantir un climat safe pendant les trois jours, en lien avec la sous-préfecture, les pompiers et la gendarmerie. » Il s’agit aussi d’entretenir une relation pérenne avec les cinq agriculteurs qui, contraints de faire pousser du blé au détriment du maïs, abandonnent temporairement les 60 hectares nécessaires à l’installation des parkings, des concerts et du camping.

« L’association FZL s’est développée au fil des éditions. Côté organisateurs, le noyau dur est resté le même. Les valeurs qui ont fondé le projet, solidarité, découverte et partage, n’ont pas dévié. » Les onze salariés sont répartis sur les différentes activités de la structure, désormais organisées en deux pôles distincts. Le pôle production concerne l’organisation du Foreztival ainsi que d’autres évènements culturels et musicaux sur le territoire. Le pôle booking gère les tournées d’une cinquantaine d’artistes répartis entre FACE B (mouvance hip-hop), NMB (dub, reggae, world) et NIGHTCITY (musiques alternatives). Une diversification des « métiers » qui témoignent de la vivacité d’une équipe professionnelle, explorant le champ des musiques actuelles de manière transversale.

A l’affiche du Foreztival 2024

Sans jamais vraiment oublier le goût des Ligériens pour le reggae et les métissages, la programmation défend une forme d’éclectisme qui s’adresse au plus grand nombre, tout en scrutant les tendances actuelles. En amont, les réseaux sociaux font le buzz en publiant moult photos de spectateurs les bras en l’air, égrainant depuis des mois le nom des artistes programmés au gré d’un compte à rebours qui fait monter la pression et stimule les ventes. Les vidéos vertigineuses tournées par drone au-dessus des quatre scènes montrent clairement que le Foreztival joue dans la cour des grands.

Signe encourageant, les préventes au tarif Early Birds ont explosé tous les compteurs dès l’ouverture de la billetterie en décembre dernier, alors qu’une infime partie de la programmation avait été dévoilée. Plus de 1000 pass « 3 jours » sont partis en moins d’une journée, les pass « 2 jours » se sont envolés en quatre heures à peine. Depuis, la vente de billets se poursuit de façon prometteuse, mais cette fois-ci au tarif regular, il va de soi. PLK, La Fonky Family, Jain ou Zaho de Sagazan seront cette année aux côté de Matmatah, Etienne de Crécy, Chinese Man ainsi que plusieurs artistes locaux. De quoi rêver et danser pendant trois jours.