Cap sur une sélection d’expos à Saint-Etienne et dans toute la Loire, à ne pas manquer avant l’arrivée du printemps. Par Niko Rodamel
Sans contrefaçon
La galerie Une image… rassemble trois photographes autour de l’intitulé énigmatique Sans contrefaçon. Clara Diebler utilise la pellicule noire et blanc pour produire des doubles expositions où la douceur de l’émulsion confère aux images un caractère à la fois onirique et nostalgique. Chaque photographie invoque ainsi les contours fuyants d’un rêve éveillé, comme une lointaine musique intérieure dont on suit le fil petit à petit, une musique légère qui se transforme parfois en tragédie.
Joël Bardeau recourt à l’autoportrait pour exprimer la fragilité, les douleurs, les secousses intimes, les peurs, les joies et les délires, les fantasmes, les malaises, les incertitudes et au final, la résilience. L’artiste exploite cet angle de vue presque transgressif sur lui-même, ce regard intérieur, comme une forme de psychothérapie autorisant à s’accepter tel que l’on est. Gilbert Lange quant à lui rend hommage aux pionniers de la photographie, usant de techniques expérimentales pour donner à ses images la caractère intemporel du collodion humide, du daguerréotype, du platinotype ou de la teinte sépia. Confrontant la couleur et le monochrome, l’artiste présente un ensemble de diptyques jouant non sans humour sur la similarité et les différences.
Clara Diebler, Joël Bardeau et Gilbert Lange, jusqu’au 22 février, galerie Une image… à Saint-Etienne

Aurélie Petrel
Avec Conversation[s], la maison Ceysson & Bénétière présente une conséquente exposition monographique de la photographe Aurélie Petrel. Formée à l’École des Beaux-Arts de Lyon, enseignante depuis 2012 en tant qu’artiste et responsable du Pool photographie au sein de la Haute École d’art et de design (HEAD) de Genève, Aurélie est également co-dirigeante du Laboratoire d’expérimentation du Collège International de Photographie du grand Paris (CIPGP) depuis 2018. Sa pratique et ses recherches plasticiennes interrogent le statut de l’image, les mécanismes de sa production ainsi que les dispositifs spatiaux au cœur d’une expérience de pluriperception.

Au-delà des sujets et des images qui les retranscrivent, au-delà des tirages à proprement parler, l’artiste propose une réflexion autour de la monstration, de la mise en situation, explorant différentes formes et matérialités de supports quitte en renverser les conventions et les dispositifs d’usage. Parfois la photographie est encadrée mais, posée au sol sur sa tranche, elle se détache du mur pour mieux s’émanciper de sa planéité. Certaines œuvres sont disposées au milieu de la pièce, en station verticale, offrant la possibilité d’en faire le tour.
La photographe met ainsi ses œuvres à l’épreuve, au gré des possibilités d’existence sensible dans l’espace d’exposition, invitant le visiteur à regarder autrement. Posant la question de la mutation-mutabilité de l’image, tous les espaces sont alors mis en tension, celui contenu dans l’image, celui de l’image elle-même, ou encore celui qui la contient. A l’heure où la photographie fête les 200 ans de son invention, Aurélie Pétrel s’attache ainsi à défricher de nouvelles voies d’expérimentations, une démarche conceptuelle dans laquelle le format exposition rejoue à chaque fois différemment.
Aurélie Petrel, jusqu’au 1er mars, galerie Ceysson & Bénétière à Saint-Etienne, jusqu’au 23 mars, Le Corbusier à Firminy
Pascal Brouillet
Né en 1960 à Saint-Étienne, Pascal Brouillet. Sensible dès son plus jeune âge sensible aux injustices que porte notre monde, il se tournera ainsi très vite vers un projet professionnel humanitaire en direction des populations confrontées aux conflits, ségrégations, spoliations et toutes autres formes d’inégalités. Tout au long de sa carrière professionnelle, Pascal a notamment parcouru le Sénégal, Haïti, l’Afghanistan, la Centrafrique, le Burkina Faso, photographiant et filmant tel un photo reporter l’incroyable diversité de ces pays. Terrible coup du sort, il apprend, alors qu’il est en poste en Afrique de l’Ouest, qu’il est atteint de la maladie de Charcot, ou sclérose latérale amyotrophique (SLA), pour laquelle il n’existe à ce jour aucun traitement.
Véritable déclencheur, l’implacable diagnostique incite Pascal à regarder plus intensément sa production photographique et éveille une soudaine envie de la partager avec le plus grand nombre. Scènes grouillantes de vie et regards croisés, en couleur ou en noir et blanc, parfois en mode panoramique, proximité étonnante avec les sujets photographiés, Un regard court sur le monde reflète l’engagement total de Pascal Brouillet sur le terrain. Pascal ne se dit même pas photographe : remarquable contrepied quant à la qualité du regard. Un bel élan solidaire est né autour de cet accrochage : les tirages ont été couverts par une cagnotte en ligne et le bénéfice des ventes sera reversé à l’association Bougez contre la SLA. Pour un monde meilleur…
Pascal Brouillet, jusqu’au 7 mars, Jeito Photo à Saint-Etienne
Régénération
La Médiathèque Jules Verne de La Ricamarie s’apprête à mettre en lumière le travail de l’artiste stéphanois Totipote. De la gravure sur verre à la peinture murale, du vitrail au dessin en passant par la sérigraphie, son œuvre protéiforme fait la démonstration d’une étonnante totipotence artistique, naviguant entre modernisme et art brut dans un processus en perpétuelle évolution. L’exposition Glyptique ( du grec ancien glyptikós signifiant la gravure dans tous les genres) dévoile l’univers singulier de l’artiste.
Dans un point de vertige, un basculement du regard, la matière sait, la main suit. Les couleurs sont franches. Brut et évidé, le trait se façonne en creux. Le vide insuffle aux figures élémentaires improvisées toutes les échelles possibles, dans une cartographie à la fois claire et complexe. Le motif se démultiplie sans vraiment se répéter, épousant les volumes et aspérités du support telles les écailles d’un reptile figé dans la pierre. On a pu découvrir les explorations visuelles de Totipote sur les murs de Saint-Etienne, Lyon, Poitiers, Nancy, Marseille ou encore dans l’ancien quartier arabe de Grenade. L’artiste s’est également distingué lors du Palma festival de Caen et Mondeville, en Normandie.
Totipote, du 7 février au 29 mars, Médiathèque Jules Verne à La Ricamarie
Plein d’autres expos dans la Loire
Quelques autres expositions encore peuvent tout autant valoir le détour… Il vous faudra pousser jusqu’au Caveau des Arts de Saint-Galmier pour découvrir la peinture d’expression abstraite et intuitive de Monique Kawka. Avec l’accrochage De l’un à l’autre, l’artiste peintre s’efforce de s’affranchir des formes et de leur représentation afin de révéler des sentiments plus profonds, invitant le spectateur à la rejoindre dans une forme de rêverie poétique.
A Montbrison, l’artiste plasticien José Luis Lopez Lara expose ses peintures à l’huile, aquarelles et sculptures minimalistes, assemblages improbables des chutes de bois hétéroclites éclairés à la verticale par une simple ampoule. Ici, le sujet de la mémoire se lie à la poésie de la matière jusqu’à toucher la dimension spirituelle de nos émotions, dans une sensation de silence contemplatif. Né à Puertollano en Espagne, diplômé de la Faculté des Beaux-Arts de Barcelone puis de l’École des Beaux-Arts de Lyon, José Luis Lopez Lara vit et travaille en région lyonnaise.
A l’invitation de Benoît Béal, l’atelier Arto Encadrement (ex Philippe Durand) accueille les œuvres monochromes de Claude Yvroud. L’exposition Noir Terrain de Jeu / Blanc Terrain de Jeu propose une réflexion profonde sur le paysage, la mémoire et l’imaginaire à travers l’entrelacement des jeux de lumière et de matière.
Et aussi à Sainté
Nous retrouverons également et avec un grand plaisir les toiles de LUMA, cette fois-ci sur les cimaises de la galerie Rêves d’ailleurs. L’artiste se nourrit et s’inspire de ses voyages comme de l’Histoire, donnant naissance à des portraits animés d’une puisante expressivité qui jaillissent dans des gerbes de couleurs. LUMA ne cesse de surprendre par son style très personnel, dont se dégage une énergie folle. « Je suis né deux fois : une première fois en 1987 à Saint-Étienne, la deuxième fois en 1992 lorsque je suis devenu artiste. »
Dès la fin février et tout au long du mois de mars la galerie Pasqui mettra à l’honneur l’artiste Britt, dont la Cosmic Girl s’affiche sur le mur extérieur au 9 de la rue des Creuses. Après des études d’Histoire de l’Art, l’artiste lyonnaise reprend le métier de sa mère, alors peintre en décor. Elle passe alors ses journées sur les chantiers à peindre fresques, trompe-l’oeil, faux-marbres et autres enduits. Mais Britt trouve peu à peu son chemin personnel, entre pop art et street art, peignant des tableaux en technique mixte, mettant notamment en oeuvre des affiches qu’elle trouve dans les rues de Lyon, de Gènes ou de Paris. Depuis quelques temps, elle sévit sur les murs de Lyon et Saint-Etienne avec ses fillettes dont le regard perçant interpelle les passants sur les droits des femmes et des enfants, comme sur les défis de l’environnement et de la justice sociale.
Enfin, n’oubliez pas de faire un tour du côté des Halles Mazerat pour jeter un coup d’œil au MUR, rue du Frère Marat, sur lequel Ipin (alias Germain Prévost) a laissé son empreinte colorée en mode panoramique.
Monique Kawka, du 7 au 22 février, Caveau des Arts de Saint-Galmier
José Luis Lopez Lara, jusqu’au 19 février, Galerie XXIe à Montbrison
Claude Yvroud, du 6 février au 1er mars, Arto Encadrement à Saint-Etienne
LUMA, du 12 février au 4 mars, galerie Rêves d’ailleurs à Saint-Etienne
Britt, tout le mois de mars, galerie Pasqui à Saint-Etienne
Ipin, jusqu’au 28 février, Le MUR à Saint-Etienne