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Vipérine & La Suprême : Sainté Queens

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Vipérine & La Suprême : Sainté Queens

Des robes à paillettes, des talons hauts, du rouge à lèvres mais aussi des mots crus, des discours militants en faveur de la communauté queer, des messages de bon sens au profit de la liberté d’être ce que l’on veut : bienvenue dans le monde de Vipérine et de La Suprême, drag-queens stéphanoises. par Cerise Rochet

Vendredi 16 février, peu avant 21 heures, au Beer Garden de la place Jean-Jaurès à Saint-Étienne. En se faufilant dans l’escalier qui mène à l’étage, on réalise assez vite que se faire une petite place ne va pas être facile. La salle est pleine comme un œuf, de gens assis-organisés-qui-avaient-réservé, de gens debout qui veulent absolument rester, de gens -dont on fera finalement partie – qui tentent, en désespoir de cause, de se frayer un chemin jusqu’à l’avant-scène pour se mettre à genoux, se faire tout petits, et être aux premières loges sans ne gêner personne. À quelques minutes du début du show, règne ici une effervescence particulière, dont on ne saurait dire spontanément d’où elle provient. 

Et puis, Vipérine se lance. Perruque blond platine, yeux allongés à l’infini par un make-up étincelant, robe glamour très 70’s à paillettes, hauts talons évidemment : le personnage, physiquement flamboyant, l’est tout autant dans son comportement. Piquante, moqueuse, saignante même, ce soir comme toujours, Vipérine partagera la scène avec sa complice La Suprême, qui patiente cachée sur un côté.

Histoire fusionnelle

À la ville, Vipérine et La Suprême sont respectivement Laurent et Dinh-Son, duo d’amoureux mariés depuis… le 14 mars 2020. Une date qui rappelle inévitablement quelque chose à tout le monde, à propos de laquelle, d’ailleurs, les deux drag-queens ironiseront avec délice : beaucoup moins d’invités que prévu, nombreux désistements de dernière minute, annulation du voyage de noces si minutieusement préparé, en bref, petit goût de la fête est finie… Merci covid pour les souvenirs impérissables de ce plus beau jour de la vie, mais qu’on se rassure, si l’épidémie a un peu bouleversé les plans, ni elle, ni rien d’autre n’aura finalement entamé quoi que ce soit d’une histoire d’amour si férocement solide en privé… et, il faut bien le dire, tout à fait irrésistible sur les planches. Quatre ans plus tard, la fête n’est en effet pas du tout finie, bien au contraire. En scène, Vipérine et La Suprême, se toisent, se chamaillent, se vannent, comme pour mieux se dire à quel point leur histoire est celle d’une construction fusionnelle permise par l’intensité des sentiments.

« On a démarré le drag ensemble, le 26 septembre 2023, nous expliquera Dinh-Son à la fin du show. Laurent était fan de RuPaul Drag Race, il avait envie de se lancer, mais il manquait de confiance. Je l’ai poussé, et je lui ai soumis l’idée qu’on fasse ça ensemble. Le jour de la Marche des Fiertés, on a donc décidé d’apparaître en drag pour la première fois. Ce jour-là, on a eu droit à tellement de bienveillance, qu’il est devenu évident qu’on devait poursuivre. Depuis, on a fait peu de shows, parce qu’on a vraiment envie de les faire bien. On travaille beaucoup, et on s’entraide énormément. Vipérine est plutôt sur l’humour et la présence scénique. Moi, plutôt sur la danse parce que j’en ai fait, enfant ».

Amour et bienveillance

Et ce vendredi soir, alors qu’elles enchaînent les numéros, les Queens recueillent absolument tous les suffrages. Soutien de la première heure, animatrice de la soirée, passeuse de plats et chauffeuse de salle, leur meilleure amie Alexia n’aura pas à forcer beaucoup, pour que le public s’emballe complètement, à grands coups de clap-clap, de sifflets et de hurlements wou-wou-wou lâchés à intervalles réguliers, pour tantôt encourager, tantôt féliciter les deux performeuses. Tant et si bien que les raisons de l’effervescence si particulière du début de soirée deviennent à présent limpides : plus qu’un spectacle, plus qu’une performance, le show drag & love de Vipérine et La Suprême se structure, dans tout ce qu’il est et tout ce qu’il représente, comme un espace de liberté totale, où chacun et chacune – public comme artistes – peut d’un seul coup être ce qu’il a envie d’être, loin de quelconque injonction. Pas de méfiance, pas de regard inquisiteur, pas de « j’attends de voir ». À la place,  juste de la bienveillance, et de l’acceptation spontanée de ce que peut être l’Autre dans toute sa singularité, sans autre critère que celui d’appartenir à l’humanité

Subversion et engagement

Stand up et récits de vie corrosifs, chant, danse, Lip Sync, le duo performe donc, dans le respect de la pluralité des disciplines intrinsèquement liée à l’art du drag… Et également, dans toute sa dimension subversive, militante et politique. À ne pas confondre avec le transformisme de cabaret via lequel il s’agit d’imiter des stars, le drag consiste en une pratique scénique de caricature de genre. En exagérant les caractéristiques traditionnellement attribuées aux femmes, les drag-queens s’inscrivent ainsi dans une déconstruction des normes de genre, dans une critique légitime du fonctionnement patriarcal de nos sociétés, dans une revendication des luttes contre l’homophobie et la transphobie, dans un discours contemporain en faveur d’une reconnaissance de la non-binarité. Ainsi Vipérine et La Suprême ne machent-elles ni leurs mots, ni leurs gestuelles : on est là, on s’affirme, et on ne va sûrement pas s’excuser pour ça. Alors, parler de cul ? Évidemment, et si possible, en parler sans ménagement. Livrer les bribes douloureuses de son histoire perso ? Bien sûr, et qu’on ne s’y trompe pas : l’air détaché et l’ironie ici, c’est une technique rhétorique, pas une façon de provoquer le rire premier degré. 

« Si on a décidé de faire du drag, c’est d’abord parce qu’on avait envie de se réinvestir pour la communauté LGBTQIA+, confient de concert Laurent et Dinh-Son. C’est un acte raisonné, militant, politique. On veut contribuer à certaines prises de conscience. Faire passer des messages en faisant de l’art. Démontrer qu’être drag (queen, king ou queer d’ailleurs), ce n’est pas seulement s’habiller, paraitre, se montrer. Les personnages que l’on a créés sont des alter égos, des extensions de nous-mêmes, des personnages qui ont le droit de parler, de dire des saloperies et surtout de porter des messages qui n’auraient pas le même impact, si on les portait en Laurent et Dinh. »

« Si on a décidé de faire du drag, c’est d’abord parce qu’on avait envie de se réinvestir pour la communauté LGBTQIA+»

Nouvelles, mais dignes représentantes du drag stéphanois, Vipérine et La Suprême incarnent aujourd’hui, comme d’autres, l’idée qu’il ne s’agit pas là de ce que l’on appellerait « un phénomène », ou pire, « une tendance »… Mais bien d’une démarche véritablement artistique porteuse de sens. Longtemps pratiqué dans les milieux de la nuit et de la fête, et estampillé « culture underground », l’art du drag, popularisé grâce à sa médiatisation télévisée au point de séduire le grand public, est peu à peu devenu hype… mais surtout, vivace : « La visibilisation du drag était nécessaire pour donner envie à d’autres personnes de se lancer.  Grâce à cela, aujourd’hui, la culture drag existe au quotidien, sur des scènes locales, au contact des gens. Et nous, c’est aussi ce qui nous anime… »

Pour être informé de tous les nouveaux shows de Vipérine et La Suprême, consulter leur Insta : @dragviperine et @drag_lasupreme

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