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Histoire de mineursLong Format 

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Histoire de mineursLong Format 

Mineurs, jamais seuls

©Archives Municipales de Saint-Etienne
Pour les compagnies, ils sont ceux qu’il faut garder à l’œil pour préserver une force de travail précieuse. Pour leurs semblables, ils sont les copains avec qui chaque jour, on affronte le labeur, on voit la mort roder, on se serre les coudes. Mineurs, une corporation au sein de laquelle on n’était finalement jamais vraiment seul… Mais peut-être, jamais totalement libre non plus.  
Par Cerise Rochet

Les coups de canons et les fanfares qui les réveillent, de bon matin. Les habits des grandes occasions, qu’ils attrapent et qu’ils enfilent pour se faire beaux. Et puis le cortège qui se forme dans la rue. Ce jour-là, dans les houillères, personne ne travaille. Vers 9 heures, partant du carreau de mine, le cortège se forme, et prend la direction de l’église où une messe, obligatoire pour tous, va-t-être donnée. Les drapeaux, en premier. Les musiciens de la fanfare ou de l’Harmonie, ensuite. Puis les directeurs, ingénieurs, gouverneurs, géomètres, dans un strict respect de la hiérarchie. Elle, parfois derrière, parfois devant tout ce petit monde, en ouverture de défilé. Posée sur un brancard orné de fleurs ou de guirlandes, la statue est portée par 4 mineurs en tenue de travail1. Sainte-Barbe, maîtresse du feu et de la foudre, célébrée le 4 décembre pour qu’elle apporte à tous sa protection, chaperonne ainsi une cohorte de mineurs du fond et du jour, qui, pour pouvoir faire la fête en ce jour chômé, ont empilé les heures supplémentaires, 15 jours durant. Plus tard, la Sainte-Barbe deviendra une véritable journée de salaire, portée sur la fiche de paie. Mais pour l’heure, les mineurs doivent se contenter de « toucher la prime », soigneusement distribuée par la direction… après la messe. La fête et les copains, oui. Mais pas sans un peu de contrôle.

©Archives municipales de Saint-Etienne

Après la cérémonie religieuse, le cortège repart, en direction des locaux de la compagnie, où sont distribuées des brioches pour accompagner un petit verre de Blanc. Les médailles du travail sont remises et le directeur fait un discours. Les mineurs se retrouveront ensuite au café, entre eux, avant de rentrer en famille pour un repas autour d’une viande blanche sacrifiée pour l’occasion. Doit-on voir dans cette célébration traditionnelle l’image d’une corporation unie ? Ou plutôt celle d’une organisation sociale codifiée, hiérarchisée, dont l’encadrement est l’un des piliers fondamentaux ? Très certainement, un peu des deux.

La Loire, déjà à part

©Archives Municipales de Saint-Etienne

Car le bassin houiller de la Loire a toujours comporté quelques spécificités. La précocité de l’exploitation du charbon, tout d’abord. Sur le territoire, les première traces d’extraction -artisanales- remonteraient en effet au XIIIe siècle, et les débuts de son industrialisation, au XVIe. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la Loire est le premier bassin houiller de France, abondant la production nationale à hauteur de 30, puis 40, puis pratiquement 50%2. Ainsi le département deviendra-t-il également le premier de l’Hexagone à abriter une grande concentration capitaliste. En 1845 en effet, la Compagnie des Mines de la Loire voit le jour, bientôt baptisée « le Monopôle ».

Rien de moins qu’un trust, qui réunit à lui seul plus de la moitié des concessions du territoire, et contre lequel les ouvriers mineurs vont s’insurger à 34 reprises en 9 ans, systématiquement soutenus par des patrons traditionnels et des élus républicains. Car ce Monopôle, contrôlé par une majorité d’actionnaires parisiens, lyonnais et suisses, guidé par une quête d’efficacité économique et de productivité, cherchant à contenir le gaspillage et la concurrence dispersive, avait imposé par son instauration, fermetures de nombreux puits, licenciements de masse, allongement de la durée de travail à 14 heures journalières, salaires au rendement individuel, amendes et retenues en cas d’accident technique.3 Par intérêt, mais aussi par crainte qu’une « coalition de maîtres entraine en réaction une coalition d’ouvriers »4, la bourgeoisie ligérienne se rangera ainsi majoritairement derrière les ouvriers, et, multipliant les plaintes, parviendra à faire plier le conseil d’administration de la Compagnie, qui décidera de son morcellement en quatre, le 19 octobre 1854.

Patronage et modération

Ces expériences marqueront durablement les politiques sociales menées ensuite par les compagnies en direction de leurs ouvriers dont ils se veulent plus proches. Sans jamais parvenir à construire un véritable rapport d’attachement et de service réciproque entre eux et les mineurs, les directeurs, seront néanmoins tentés de faire reposer le contrat social employeur/employé sur une forme de patronage empreint de catholicisme social : me donner est dans ton intérêt, te donner est dans mon intérêt… Nous sommes interdépendants.
Tandis qu’existe toujours une main d’œuvre saisonnière ou volatile, les patrons, qui souhaitent la stabiliser, œuvrent ainsi au « confort » de vie des ouvriers. Logement, santé : deux pans de l’existence dans lesquels ces derniers vont ainsi intervenir, assez inégalement, pour tenter de préserver quelque peu la force de travail de leurs employés. Certaines compagnies, en territoire rural, investissent dans la construction de cités minières, là où les zones plus urbaines profitent de l’habitat existant. Des compagnies créent des dispensaires, des hospices, des hôpitaux, comme ce sera par exemple le cas à Firminy, ou plus tard à Saint-Genest-Lerpt. Le charbon de chauffage s’acquiert à bas coût, voire, gratuitement.
Parfois, des subventions sont par ailleurs attribuées par les mines à des écoles communales, ou même, à certaines sociétés musicales : la fanfare de Roche-la-Molière, fondée en 1855 et par la suite devenue l’Harmonie des mineurs de Roche, a ainsi longtemps été financée à hauteur de 100 Francs par an. Cercles et sociétés de mineurs, salles de jeux puis clubs sportifs, colonies de vacances… les œuvres sociales deviennent un pilier sur lequel les Mines vont dorénavant s’appuyer pour renforcer le lien qu’elles entretiennent avec les ouvriers. Ceux-ci auront alors bien des occupations pour se divertir, s’élever en tant qu’Hommes et parfois même, mettre un peu de beurre dans les épinards. Il en sera ainsi des jardins ouvriers. Initiés par le père Volpette en 1894 pour permettre aux ouvriers de faire face à une crise de l’emploi, ces espaces de culture notamment mis à disposition des mineurs seront multipliés à mesure que les grandes entreprises – dont les houilles – offriront des terrains à partager à leurs employés.  Mais si l’on ne peut nier la conception sincère d’un contrat social fondé sur l’épanouissement de tous et l’amélioration des conditions de vie, l’interventionnisme des compagnies dans les loisirs peut également être perçu comme un moyen de contrôle du temps libre des ouvriers, et de maintenir chez eux l’esprit de « modération » face à l’appel du socialisme.

La tradition de la lutte sociale

Car tandis que les directeurs calculent rendements et profits à court, moyen et long terme, les ouvriers mineurs, eux, ont déjà derrière eux une « longue tradition d’organisation, locale puis de bassin, proto-syndicale puis syndicale »3. Forts de leur fraternité, née dès leurs premières descentes, consolidée par la dureté et à la dangerosité du travail qui exigent que l’on se serre les coudes, les mineurs de fond ont ainsi mené la lutte sociale avant même que les organisations ouvrières ne soient légales, et ainsi, été précurseurs de ce que deviendront bientôt les syndicats. Au fil des décennies, ils arracheront ainsi moults avancées sociales. Sur le bassin, des délégués mineurs sont élus dans chaque puits dès 1848. En 1883, est créée une Fédération Nationale des Mineurs, qui sera dirigée durant 13 ans par le Chambonnaire Michel Rondet.

« Une longue tradition d’organisation, locale puis de bassin, proto-syndicale puis syndicale »

Peu à peu, le temps de travail diminue, les salaires augmentent, les mineurs obtiennent le contrôle partagé des caisses de secours. Mais rien, qui ne puisse compenser pleinement le tourbillon productiviste, par ailleurs réalimenté à l’issue de la première Guerre Mondiale par la main d’œuvre étrangère, exclue des systèmes de protection sociale… Et par la méthode Bedaux, fondée sur le chronométrage des tâches. Malgré les garanties apportées par la nationalisation en 1946, et le bref moment d’euphorie qu’elle provoquera, les colères ne pourront légitimement jamais être pleinement contenues. En guise de logement gratuit, certains mineurs ne bénéficieront que de baraquements indignes. Usure et dangerosité du travail ne quitteront jamais les concessions, et continueront, jusqu’à la fin, à poursuivre ceux qui descendront. Les poussières de charbon n’abandonneront quant à elles jamais leurs poumons. Face à ce qui ne cessera jamais d’être l’exploitation d’une marchandise, d’une technique, mais aussi de l’Homme par l’Homme, resteront la solidarité, la fraternité, l’entraide. Et aujourd’hui l’héritage.

1Fête et loisirs en région stéphanoise, 1850-1939, Roland Boudarel, 
2 Compagnies minières et mineurs du Gier, 1750-1950
3 « Paternalismes industriels. Les rapports sociaux dans le bassin de la Loire au XIXe siècle », Jean-Paul Burdy, dans L’Édification, morales et cultures au XIXe siècle
4
Délibération du Conseil Municipal,25 décembre 1849, dans « Paternalismes industriels. Les rapports sociaux dans le bassin de la Loire au XIXe siècle », Jean-Paul Burdy,

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