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Dub Inc : interviewLong Format 

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Dub Inc : interviewLong Format 

 « L’ADN de Sainté ? Pouvoir compter les uns
sur les autres. »

 

Dub Inc. 25 ans de carrière, 8 albums, des centaines de dates à travers le monde… Et les pieds toujours bien ancrés dans le sol, ici, sur le bitume stéphanois. Rencontre avec Komlan et Zigo, chanteur et batteur du groupe, quelques jours après le 10e concert du groupe au Zénith… Comme toujours plein comme un œuf et traversé d’émotions.
Propos recueillis par Cerise Rochet

Vous étiez de passage au Zénith samedi 4 novembre, et c’était encore une soirée folle… On vous a vus avec un immense sourire tout le long, on vous a vus prendre du plaisir, on a l’impression qu’à chaque fois, il s’agit d’un moment intense d’amitié entre vous… 

Zigo : parce que notre amitié, elle s’exprime encore plus sur les moments très forts. Ce qu’il faut savoir, c’est que quand on joue à Sainté, on a devant nous dans la salle des gens qu’on connait, des potes, nos anciens profs, les profs de nos gamins… Et puis sur les côtés, il y a nos femmes, nos enfants, parfois nos parents. Partout où l’on va, on croise des gens qui nous disent « ah, mais je suis venu vous voir à Sainté ! » On sait que dans le public, il y a aussi des gens qui sont là, non pas parce qu’ils sont Stéphanois, mais parce qu’ils savent que c’est un concert particulier. Tout ça, c’est une pression de dingue, donc forcément, quand on arrive sur scène, on lâche un truc qui est émotionnellement très très fort. Cela dit, on ne veut pas minimiser ce qu’on ressent ailleurs. Il y a une émotion forte partout où l’on va. 

Komlan : partout oui. Mais c’est pas la même émotion partout. Chez nous, c’est à part. 

Et c’était un moment d’autant plus particulier qu’il s’agissait de votre 10e Zénith stéphanois. Vous avez été les premiers à y jouer en 2008. Vous faîtes partie des artistes, pas si nombreux, qui le remplissent à chaque fois, et à chaque fois, vous offrez au public un moment d’intense lâcher prise et de communion. Et si un jour, ce Zénith portait votre nom ? 

Komlan : ah ah, ce serait beau ! On te laisse proposer ça à la directrice !

Zigo : plus sérieusement, c’est vrai que 10 zéniths, c’est assez incroyable, mais on s’est rendu compte que c’était un vrai rendez-vous. Il y a quelques années de ça, on s’était dit qu’on pourrait changer un peu, et revenir au Palais des Spectacles, en faisant trois dates de suite… Mais non, en fait, aujourd’hui, Dub Inc, c’est au Zénith, c’est comme ça qu’on est identifié. 

35€. C’est le prix auquel était vendue la place pour ce concert. Pour un zénith, on est sur un tarif imbattable, vous êtes les seuls à faire ça…

Komlan : oui, et c’est une chose à laquelle on tient : on veut pratiquer les prix les plus abordables possible, et c’est la même chose pour les tee-shirts. Déjà, à l’époque du Hall C, on faisait en sorte que la place soit à 10-15 balles, et si on pouvait faire moins cher, on le ferait. Nous, gamins, à 16 ans, quand on voulait un album ou une place de concert, on demandait ça à notre anniversaire ou à Noël, et on veut que ce soit possible de la même manière pour les gosses qui ont 16 ans aujourd’hui. 

Zigo : après, sur cette tournée, la location technique est vraiment beaucoup plus chère qu’avant, tous les prix ont explosé. Oui, on reste accroché aux tarifs pratiqués depuis 15 ans, mais on constate quand même l’engrenage. À chaque étape de la chaîne, les gars te disent « j’ai augmenté mes prix parce que le coût de ci et de ça a augmenté ». Là, en faisant ça, on met un bâton dans l’engrenage. Tant qu’il est possible de le faire en tout cas, il faut qu’on le fasse. On peut se le permettre parce qu’on est indépendant, mais honnêtement, on ne sait pas combien de temps ça pourra durer, en tout cas dans ces ratios-là.

Au-delà de votre musique, on a l’impression que la ferveur verte à votre égard pourrait s’expliquer par une sorte de sentiment d’appartenance : vous êtes un symbole stéphanois, on vient voir sur scène ce symbole stéphanois, et d’un coup, ce qui lie les spectateurs devient pendant 2h plus important que ce qui les divise. Pendant 2 heures, ils sont Stéphanois, point, le reste ne compte plus. Un peu comme avec l’ASSE… 

Zigo : en fait, je pense que le parallèle avec l’ASSE, il doit se faire à travers l’implication du public. Le public de l’ASSE, c’est le 12e joueur. Là, c’est un peu pareil, depuis nos débuts sur scène, on va chercher le public, on fait en sorte qu’il participe, et il devient le 8e musicien. C’est comme l’envie d’être sur le terrain à Geoffroy Guichard. 

Komlan : oui, et puis, dans chaque album depuis le premier, nos textes parlent de Sainté, on cite des lieux par exemple, on égraine des souvenirs. Et ça, forcément, les gens le comprennent et se retrouvent dans ce qu’on dit. 

Zigo : et c’est aussi lié à l’image de la ville. Quand tu parles de Sainté à l’extérieur de la ville, tu fais pas toujours rêver. Nous, on est devenu un peu un symbole de réussite à l’extérieur de la ville, une sorte de porte-étendard de ce qu’est Sainté. Mais c’est une réussite à la stéphanoise. 

Komlan : oui, une réussite sans compromission. Sans major, sans télé, sans radio. Ça, ça représente sans doute bien l’esprit stéphanois. En tout cas, les gens y sont sensibles. 

Cette ferveur elle est quand même un peu dingue en concert… Comment ça se passe dans la rue, ou dans les endroits que vous fréquentez ? Vous habitez tous dans le coin, est ce qu’on vous court après pour avoir des selfies ? 

Komlan : Non, les gens sont cools. Ils sont vachement respectueux, ça aussi, je crois que c’est très stéphanois. Il y a du respect tu vois, dans la rue, les gens te font coucou, ils sourient, ils font des petits signes de tête. Mais c’est la proximité aussi, c’est un peu comme si on était copain, on se connait depuis longtemps… D’ailleurs, parfois ils nous le disent « ah mais je connais untel, qui te connait ». On est tout proche en fait. 

Zigo : en fait, il n’y a pas d’hystérisation de ce truc-là. 

Les valeurs que vous véhiculez dans vos textes et dans la vie : partage, solidarité, inclusion, diversité, humanité… Elles sont très stéphanoises, aussi. Vous pensez qu’elles vous viennent de là ? De l’esprit de la ville ? 

Komlan : en tout cas, c’est dans ces valeurs-là qu’on a grandi. On vient de la Sainté prolétaire, on est des enfants de l’immigration, nos pères étaient ouvriers, à la mine pour Hakim, moi mon père était mécano… Il y a des morceaux d’Histoire qu’on a entendus toutes notre vie : à l’époque de nos parents, les immigrés qui arrivaient en France savaient qu’en venant à Saint-Étienne, ils auraient du boulot, mais ils savaient aussi qu’ils bénéficieraient d’une forme de solidarité et d’entraide. Et ça, on en a hérité, même si on n’a pas du tout connu la même vie qu’eux. C’est pour ça que notre premier album et notre label s’appellent Diversité

Zigo : tu sais, il y a quelques temps, j’ai rencontré une dame âgée, arménienne. Et elle m’a dit qu’elle avait connu mon arrière-grand-père, il y a longtemps. Il était grec, et il a travaillé à la mine en arrivant en France. Et je lui ai posé des questions, parce que je sais peu de choses sur lui. Je lui ai demandé comment il était. Et elle m’a répondu « tu sais, on était tous mineurs. On vivait tous ensemble, sans se soucier de qui venait d’où et pourquoi et comment ».


Et c’est ça en fait : ils vivaient tous ensemble, alors, dans des conditions déplorables, mais ils étaient ensemble, et pouvaient compter les uns sur les autres. Ça, c’est l’ADN de cette ville, et nous, on a grandi là-dedans de manière assez naturelle. Et c’est un truc trop important pour ne pas le dire, donc oui, ça se retrouve beaucoup dans nos textes, certains trouveront peut-être ça redondant… Mais c’est toujours aussi utile, 25 ans après notre premier album… Enfin, ce qu’était le Front National à l’époque est encore plus flippant aujourd’hui – justement parce qu’il n’est plus flippant pour plein de gens – donc il faut continuer à véhiculer ces valeurs-là, il faut continuer à le dire. 

Même si on est très fier, un certain nombre de Stéphanois aiment malgré tout beaucoup moins leur ville aujourd’hui, et ont plutôt tendance à lister certaines de ses problématiques, à tort ou à raison d’ailleurs… Vous pensez quoi, de ça ? 

Komlan : Notre discours est fédérateur, c’est sûr. Mais on est bien entendu capable d’entendre qu’une partie de la ville se sent abandonnée politiquement, qu’une partie de la population a envie de partir, que Sainté est aussi compliquée pour plein de gens. 

Zigo : et cela n’empêche pas d’être fier, par ailleurs, ce n’est pas incompatible. Les supporters de l’ASSE sont super fiers, alors qu’on joue en Ligue 2…

Pour revenir à votre carrière… Vous fêtez cette année les 25 ans du groupe. Vous pourriez parfois avoir envie de raccrocher, comment vous vous projetez dans l’avenir ? Vous vous voyez bien tenir le rythme des tournées et des scènes pendant encore de longues années ? 

Komlan : une chose est sûre, on n’est pas lassé. On prend toujours énormément de plaisir à faire ce qu’on fait. On est beaucoup dans l’instant, moi je crois que pour le moment, je suis assez impressionné par nous-mêmes, de nous voir tenir le rythme, de voir les générations de public se renouveler sous nos yeux. 

Zigo : dans un couple, si au bout de 25 ans ça s’engueule pas, si au bout de 25 ans ça rigole toujours… Tu ne penses pas au moment où ça va s’arrêter. Et ben pour nous c’est pareil. 25 ans, on s’engueule pas, on rigole toujours, donc on ne pense jamais au jour où ça va s’arrêter. Et puis… Il faut le dire quand même : on fait le plus beau métier du monde, on bosse pour se faire applaudir, il y a 25 ans, on bossait à l’usine pour gagner notre vie, on n’a pas envie de revenir à ça. Le plus dur, c’est de savoir se renouveler. Mais on est des besogneux, on répète toujours 6 mois avant le démarrage d’une tournée, on bosse beaucoup, mais avec énormément de plaisir. Et ça consolide énormément la cohésion du groupe. 

En attendant, sur la digne lancée de ces 25 dernières années… On nous a glissé à l’oreille que vous seriez présents sur le Foreztival l’année prochaine. Énorme actu ça !

Zigo : On en discute depuis longtemps… La dernière fois qu’on a joué là-bas, c’était en 2014, donc ça fera 10 ans. Après 10 zéniths à Sainté, on avait envie de faire quelque chose de différent sur le territoire. Là on est sur du plein air… Pas mal de gens cette année nous ont demandé pourquoi on n’avait pas fait le Foreztival, c’est fou. On fait des festivals partout en France, donc il est logique qu’on vienne en faire un en local. Et on va essayer de bien retourner ça.

Komlan : Et puis, pour nous, ça a vraiment du sens de venir sur des événements associatifs locaux. On sait que le Foreztival fait bosser les gens du coin, on va croiser les intermittents stéphanois, et ça va nous faire du bien de retrouver ce milieu-là. Rendez-vous le samedi 3 août… 

Et puisque vous parlez de faire des concerts ailleurs qu’au Zénith… Geoffroy Guichard, vous y pensez parfois ? 

Oui, mais non. 

Ah ? 

Zigo : non, ce n’est pas pour nous. Ce serait péter plus haut que notre cul. 

Komlan : En fait, il faut expliquer, pourquoi c’est quelque chose qui ne nous correspondrait pas. On est un groupe indépendant. On n’est pas Sony. Il faudrait qu’on vende un ticket cher, c’est une budgétisation qui nous dépasse. À notre échelle, c’est un risque énorme et on n’a pas les épaules pour ça, d’autant que ça impliquerait de dealer sans doute avec des acteurs économiques et politiques… On n’a pas forcément envie d’affronter ça. 

Zigo : la réalité, c’est que ce n’est pas notre place. On n’est pas Soprano, on n’est pas surmédiatisé, et on ne le veut pas. On peut peut-être remplir 2 zéniths d’affilée, mais pas un stade de 40 000 places.  Pour tout avouer, avant le covid, on y pensait, on avait d’ailleurs déjà plus ou moins retenu une date. Du fait des restrictions sanitaires, le projet s’en est arrêté là. Et en fait… Le jour prévu… Il a plu, des trombes. Si nous avions été au bout, on aurait sans doute été contraint d’annuler le concert au dernier moment. Et on aurait pu tout perdre, dont notre label. L’engagement financier est bien trop important. Donc, tout bien considéré… Ce qui nous ressemble, c’est les trucs simples. C’est jouer de la musique. Au Zénith, on a un souffleur à confettis, et des ballons de baudruche pour le spectacle ! Et c’est très bien comme ça, on ne veut pas remplir un stade et devoir monter un show à l’américaine. 

Et retourner dans de plus petites salles, à l’inverse ? 

Komlan : actuellement, je pense que ce serait compliqué. Ça foutrait les boules à beaucoup de gens, qui n’auraient pas pu avoir de places… 

Zigo : à nos débuts, lors d’une soirée au Mistral, on a laissé 300 personnes dehors. Et c’est pas du tout marrant, de faire ça. 

Hors de Sainté et du territoire… C’est quoi le programme de 2024 ? 

Komlan : On a beaucoup tourné cette année. On va calmer un peu le jeu, même si on va tourner quand même un peu, notamment l’été prochain. Et ce sera déjà pas mal. 

Zigo : On ne s’arrête jamais vraiment de bosser, de composer, d’écrire. Mais on essaie aussi de se reposer, et puis, on réfléchit pas mal au bilan carbone de nos tournées. C’est chouette d’être sur scène, et de faire beaucoup de concerts, mais c’est comme l’histoire des prix, il faut mettre un bâton dans l’engrenage, sinon, on ne s’arrête jamais. 

Komlan : Là, on a refusé une date en Nouvelle Calédonie, par exemple. Ça aurait été chouette… Mais est-ce qu’on doit faire ça aujourd’hui… C’est une question qu’on doit vraiment se poser. 

 

 

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