Le Dry January 2025 est désormais derrière nous, laissant place au temps du bilan et de l’interrogation sur notre rapport à l’alcool. Pendant un mois, certains Stéphanois ont tenté l’expérience, d’autres l’ont observée d’un œil sceptique, tandis que les bars et les cavistes ont dû composer avec cette nouvelle tendance. Dans une ville historiquement marquée par une forte culture bistrot, cette sobriété temporaire a-t-elle trouvé un écho ? Par Victor Dusson![]()
Après un mois de janvier placé sous le signe de la sobriété pour certains, le retour à la normale est-il inévitable, ou cette parenthèse sans alcool laisse-t-elle des traces durables ? Dans une ville comme Saint-Étienne, où la culture bistrot est historiquement ancrée, la question mérite d’être posée. Si le Dry January reste encore perçu comme une initiative ponctuelle, il amorce tout de même une réflexion plus large sur les habitudes de consommation des Stéphanois. Pour mieux comprendre, il faut d’abord se pencher sur l’histoire de la ville et son lien avec la boisson.
Saint-Étienne, la ville aux 1000 bistrots
Autrefois surnommée “la ville aux 1000 bistrots”, Saint-Étienne a longtemps cultivé une tradition minière et ouvrière où la convivialité se mêlait à une consommation d’alcool bien ancrée dans les habitudes. En septembre 2022, l’INA postait sur son compte Youtube une vidéo extraite d’un reportage de l’ORTF datant de 1973 témoignant encore d’une époque où la bière coulait à flots après le travail, où l’on discutait football et politique un verre de blanc à la main, et où le café du coin servait autant de lieu de rencontre que de réconfort. Aujourd’hui, en 2025, que reste-t-il de cette culture ? Les Stéphanois sont-ils prêts à remettre en question leur rapport à l’alcool, notamment à travers le Dry January ?
Pour rappel, cette initiative venue du Royaume-Uni propose chaque mois de janvier de faire une pause dans sa consommation d’alcool. Une démarche qui fait de plus en plus d’adeptes en France, 4 500 000 personnes pour cette année selon une enquête Janover. Néanmoins, ce défi reste perçu avec scepticisme dans certaines régions.
Dry January : un concept qui parle aux Stéphanois ?
Un mardi après-midi au comptoir de la brasserie Le Jean Jaurès, Michel, 63 ans, lève son verre : « Moi, janvier ou pas janvier, je bois ma petite bière. On a toujours fait comme ça ici ! » Autour de lui, les avis divergent. Paul, 33 ans, admet avoir tenté l’expérience cette année : « J’ai arrêté deux semaines et puis j’ai craqué. Mais franchement, j’ai vu la différence : je dormais mieux, j’étais moins fatigué. »
Si certains rejettent l’idée en bloc, d’autres semblent plus réceptifs. Marie, 28 ans, explique avoir tenté l’expérience avec son groupe d’amis. Depuis, beaucoup ont réduit leur consommation : « On se fait des soirées où on alterne entre mocktails (cocktails sans alcool, ndlr) et bières classiques. Avant, ce n’était même pas envisageable. Et puis les bars suivent le mouvement aussi, donc c’est cool ».
Bars et cavistes jouent le jeu
Preuve que le mouvement commence à se faire une place : le Six Nations, célèbre pub stéphanois de la place Jean Jaurès, a décidé cette année de jouer le jeu du Dry January en proposant une carte spéciale avec des bières et cocktails sans alcool. “ Quand on fait ce défi, c’est plus facile de venir dans un établissement qui propose ces produits. On ne craint plus de se faire juger. Pour l’occasion, c’est Happy Hour pour les softs toute la journée et on a augmenté notre gamme de bière sans alcool ainsi que de cocktails sans alcool. Les retours sont plutôt positifs. Je vais surement garder les références après janvier.”, explique Benjamin, gérant de l’établissement.
Outre le Six Nations, plusieurs caves et bars étoffent leur offre en boissons sans alcool. On trouve désormais des mocktails (cocktails sans alcool), du kombucha, et même des spiritueux sans alcool.
À Saint-Just-Saint-Rambert, la cave Caviste sur Cours constate un frémissement : « Les gens demandent de plus en plus des alternatives pour des soirées où ils ne veulent pas boire. On a référencé quelques vins désalcoolisés en vitrines, et les clients sont curieux.”
Mais au-delà des aspects culturels, il y a une question essentielle : quels sont les effets réels du Dry January sur la santé ?
L’impact sanitaire du Dry January
Réduire ou arrêter temporairement l’alcool, même sur une courte période, a des effets bénéfiques bien documentés : amélioration de la qualité du sommeil, baisse de la tension artérielle, meilleure concentration, sans oublier la diminution des risques liés à une consommation excessive d’alcool.
Addictologue à l’hôpital le Corbusier de Firminy, Françoise Roche Elmi, confirme cette tendance : “ Le Dry January n’est pas une solution si l’on est déjà addicte. Son objectif est d’interroger sa relation à l’alcool. On observe un intérêt croissant pour les démarches de réduction de la consommation d’alcool, notamment chez les jeunes adultes. Beaucoup nous rapportent un “mieux-être” après avoir réduit leur consommation, même pour un mois.”
Même si Saint-Étienne reste attachée à sa tradition festive et conviviale, les mentalités évoluent. Le Dry January gagne du terrain, notamment chez les jeunes générations et dans certains établissements qui voient dans cette tendance une opportunité plutôt qu’une menace. Si la ville aux 1000 bistrots n’a pas encore fait sa révolution sobre, elle amorce peut-être un virage vers une consommation plus modérée et diversifiée. A voir ce qu’il en reste dans le temps…